Dans le cadre de l’inauguration de la Ligne des Orgues Remarquables

 

Dimanche 1er septembre 2019, 17h

Porrentruy, Église des Jésuites

35 CHF/ tarif réduit / moins de 16 ans, gratuit

Le nombre de places étant important, il n’est pas prévu de réservations pour ce concert. Ouverture des caisses à 16h

 

Ensembles Alternances et Éloquence

Julien Laloux, direction

 

Carlyn Monnin, Camille Chappuis, sopranos

Marielou Jacquard, alto

Aurélien Delage, grand orgue  

 

Hernan Linares, violon conducteur

Julie Pascualena, violon

Caroline Menuge, alto

Henrikke Rynning, violoncelle continuo

Baptiste Masson, contrebasse

Judith Schneider, hautbois

Bence Felegyhazi, trompette

Gabriel Wolfer, clavecin

Chœur

Carlyn Monnin, Ludivine Daucourt, Michèle Chalverat, Francine Chapatte, Rose-Marie Heimann

Marilou Jacquard, Marianne Cuenin, Julia Chevalier, Danielle Küenzi, Anne Wolfer

Camille Chappuis, Marylène Bernier, Julie Brahier, Aurélie Gerber, Catherine Wolfer

Anouk Favrod, Chloé Meier, Rachel Suter, Stéphanie Vuillaume, Stéphanie Wahli

 

 

Antonio Vivaldi

 

Magnificat en sol mineur RV 610 pour solistes, chœur de femmes et orchestre

Madrigalesco, concerto en ré mineur RV 129 pour orchestre

Salve Regina en sol mineur RV 618 pour alto et deux orchestres

Laetatus sum, psaume pour les vêpres RV 607 pour chœur de femmes et orchestre

Concerto en ré mineur RV 541 pour orgue et orchestre

Ostro picta, motet RV 642 pour soprano et orchestre

Gloria en ré majeur RV 589 pour solistes, chœur de femmes et orchestre  

 

 

Vivaldi et la Madonna

La Vierge occupa une place importante dans la vie spirituelle et musicale de Vivaldi. Comme prêtre, il fut amené à la vénérer en parole et par la prière, puis par le chant, lors de ses engagements successifs à l’ Ospedale
della Pietà à Venise, dont la Vierge était la sainte patronne. Rapidement connu sous le surnom du Prêtre roux ( Prete rosso ), le jeune homme ne va pas exercer longtemps la prêtrise, notamment pour des raisons de santé. En fait, le séminaire était souvent le moyen pour les familles pauvres d’offrir à leur fils des études sérieuses. Préparé par son père violoniste à une grande discipline musicale et exercé à l’ascèse religieuse et aux exercices de méditation chrétienne, Antonio eut tôt les moyens de faire éclore son génie. Peu après son ordination, la musique a néanmoins pris le dessus au point de devenir une « nécessité absolue » – comme il le dira lui-même. A 25 ans, il est engagé à la Pietà, l’un des quatre hospices de la ville qui recueillait les enfants abandonnés. Cet hospice s’était fait un point d’honneur de former vocalement et musicalement les jeunes filles les plus douées. La qualité de leurs interprétations commençait à attirer un nombre croissant de nobles mélomanes – et mécènes ! – de l’Europe entière. Situé près du domicile des Vivaldi – Antonio habitera presque toujours avec sa famille – l’hospice accueillera le Prete rosso comme maestro di violino , puis comme maestro di con certi – en alternance avec sa grande carrière de compositeur d’opéra. Les jeunes filles qu’il formait étaient invitées à rester jouer (de plusieurs instruments) et chanter durant plusieurs décennies, atteignant ainsi un niveau enthousiasmant pour le jeune compositeur. Le programme de ce concert est conçu comme un vaste chant de louange à Vierge. Après la pièce d’orgue initiale – qui marque aussi l’ouverture de la saison de la Ligne des Orgues Remarquables – le Magnificat en sol mineur nous fait entrer dans l’univers marial. Durant ce cantique, Marie remercie le Seigneur pour la venue de son fils. Chœur et solistes prêtent leurs voix à cet hymne de louange que le compositeur découpe en neuf numéros très contrastés que l’on peut grouper en trois parties : contemplation (1-3), action (4-7), louange (8-9). Comme à la Pietà, l’effectif vocal de ce concert est féminin, ce qui donne une proximité de timbres très intéressante. Cela est particulièrement saisissant dans les mouvements dramatiques comme le n°3, où Vivaldi met en scène le futur drame que vivra Marie avec la mort de son fils. Le Concerto Madrigalesco pour orchestre forme un écho au Magnificat en reprenant les mouvements extrêmes. Selon cette pratique contemporaine courante, Vivaldi réemploiera toute sa vie des fragments de ses propres œuvres dans un processus de création permanent et évolutif. Le Salve Regina en ré mineur est écrit pour contralto et deux orchestres. Pour ce concert, le rôle du deuxième orchestre est confié au grand orgue afin de conserver l’alternance de réponses et d’échos voulue par le compositeur. Vivaldi suit les six versets de cette prière avec six mouvements qui épousent magnifiquement les affects du texte. Il souligne d’emblée la double identité terrestre et céleste de Marie – symbolisée par le chiffre 4 (pour les quatre éléments, les quatre points cardinaux…) et le chiffre 3 (pour la Trinité). Il traduit cela par un motif de douze notes répétées (4×3).
Par la suite, ce nombre sera parfois réduit à sept (4+3). Le texte oppose Marie à Ève – dont nous sommes les « pauvres enfants exilés » – qui deviennent les symboles du Nouveau et de l’Ancien Testament. Vivaldi met en musique cette image de la chute originelle par une octave descendante de tous les interprètes dont le 8 symbolise l’éternité ; cette éternité que les croyants tentent d’atteindre par leurs suppliques à Marie. Le psaume 121 Laetatus sum est entonné au centre de ce concert. C’est une pièce composée pour les vêpres en l’honneur de la Vierge. Vivaldi en fait une version sobre et homorythmique qui place le texte au premier plan. Le Concerto en ré majeur pour violon solo et orchestre ouvre la deuxième partie avec la tonalité triomphante de ré majeur qui sera aussi celle des deux dernières pièces. Il était important d’accorder une place de choix au violon, cet instrument sur lequel Vivaldi excellait au point de faire parler de lui loin à la ronde. Le compositeur emploie la traditionnelle forme vif – lent – vif avec, au milieu, un moment d’intimité dédié aux deux solistes. La tradition de l’époque voulait que l’on fasse entendre un motet d’introduction au Gloria pour soliste et orchestre sur un texte latin libre. Avec ces trois parties – air, récitatif, air – l’ Ostro
picta prend la forme d’une brève cantate et présente des motifs qui annoncent la suite. Ce diptyque – introduction et Gloria – fut composé pour la fête de la Visitation de la Vierge, le 2 juillet, qui coïncide avec la fête patronale de la Pietà. Le plan de composition du Gloria en ré majeur est tout à fait remarquable et montre la compréhension profonde que le compositeur avait des différents affects du texte. Les tonalités des cinq premiers numéros s’enchaînent en chute de tierces. Cette chute symbolise celle d’Adam que l’on oppose souvent au Christ, le Rédempteur du péché originel. Si l’on groupe les nos 4 et 5 qui sont faits pour s’enchaîner, on obtient onze numéros. Le fluide sixième mouvement devient alors axe de symétrie centrale. La douloureuse tonalité de si mineur du n°2 rappelle cela et donne lieu à un magnifique mouvement dont la beauté rappelle le n°3 du Magnificat. Vivaldi y dépeint la souffrance des humains pour obtenir la paix sur terre. Deux chœurs centrés respectivement sur le Père et le Saint Esprit ouvrent et referment l’œuvre, tandis que les autres chœurs et solos sont répartis selon l’axe de symétrie qui glorifie le Fils. Ce florilège d’œuvres mariales ouvre une fenêtre sur le génie de Vivaldi, notamment sur son activité musicale à la Pietà.

Julien Laloux, août 2019